Les vingts préceptes du Karatédo d’ERAM 17
Maître Gichin Funakoshi dans sa quête de guider le pratiquant de Karaté nous a laissé un recueil de 20 préceptes à appliquer au quotidien.
Tout karatéka se doit de suivre ses principes de base qui sont tout aussi important sinon plus que la pratique elle même. Les ignorer c’est risquer d’entraver sa construction de budoka.
Les axiomes infra sont de nature philosophique et moraux. Ils sont une boussole pour le karatéka authentique. Voici un essai de traduction de l’esprit du principal fondateur du shotokan. Étudiez les, apprenez les et mettez les en pratique.
1- Karatedo wa rei ni hajimari, rei ni owaru koto wo wasuru na.
– N’oublie pas que le karaté commence et finit dans le respect.
Le respect est une vertu essentielle en karaté, comme dans la vie. Ayez toujours à l’esprit la règle des 3 R : Respect des autres, respect de soi et responsabilité de ses actes. Le karaté n’est pas une discipline basée sur la violence et la brutalité, mais au contraire sur le respect profond de l’adversaire et de soi-même.
2- Karate ni sente nashi
– Pas de première attaque en karaté.
Même si en Karaté on apprend des techniques qui peuvent être mortelles, on ne doit pas les utiliser pour attaquer. Le Karaté doit rester un instrument de défense et ne doit être utilisé qu’en extrême recours, une fois que toute autre alternative est écartée et même si vous devez frapper le premier, ce ne doit être que dans un but de défense et non d’attaque.
3- Karate wa gi no tasuke
– Le karaté est l’instrument de la justice.
Le Karaté comme nous venons de le voir est instrument de défense, il doit servir le bien et l’équité.
En aucun cas le Karaté ne doit être utilisé à des fins viles et injustes. Réfléchissez bien avant d’utiliser votre art :
– Est-ce que mes intentions sont justes ?
– Est-ce qu’il n’y a pas d’autres solutions ?
– Est-ce que je sers le bien en utilisant le Karaté ? , …
Mais au-delà de l’art lui-même, le Karatéka doit avoir un comportement juste dans sa vie en générale, il doit respecter les vertus de la morale, sans quoi il n’atteindra jamais la perfection en karaté.
4- Mazu jiko wo shire, shikashite ta wo shire
– Connais-toi d’abord toi-même, puis connais les autres.
La devise de Socrate était : « connais-toi toi-même » ou en grec ancien : « Gnothi seauton ». Une philosophie humaniste sur la conscience de soi.
Apprendre à se connaître soi même pour mieux comprendre le monde qui nous entoure. Maître Funakoshi reprend ce précepte pour le Karaté, car comme dans la vie, l’important en Karaté est d’abord de se connaître soi, d’écouter son corps et ses sens avant de chercher à connaître son adversaire. A quoi bon observer son adversaire et connaître toutes ses faiblesses si on ne sait même pas gérer son propre corps, ses propres émotions. Pour vaincre, il faut d’abord vaincre vos faiblesses, vos doutes… C’est le rôle de l’entraînement, physique et spirituel. « Connaître les autres, c’est la sagesse; se connaître soi-même, c’est la sagesse supérieure.» Lao-Tseu
5- Gijutsu yori shinjutsu
– L’esprit plus que la technique.
Même si l’entraînement technique est sans doute ce que l’on travaille le plus, il ne représente que peu de chose par rapport à l’esprit qui doit animer la technique. Il est bien plus important de réfléchir, d’utiliser son intelligence et de raisonner plutôt que d’utiliser sa technique fut elle la meilleur du monde. Parfois une discussion, un simple signe, suffit à apaiser les esprits et à éviter le combat. Et même dans le combat, œuvrer avec intelligence sera toujours préférable que de privilégier la technique sans réflexion.
6- Kojoro wa hannata ni koto wo yosu
– Libère et garde détaché ton esprit.
L’esprit s’il doit primer sur la technique, ne doit pas se laisser enfermer par trop de concentration. Au début de l’apprentissage, vous allez obligatoirement centrer votre esprit sur des détails techniques, mais, à force d’entraînement, vous devez apprendre à laisser vagabonder votre esprit, à le laisser libre d’agir de lui même de façon presque inconsciente. Votre esprit doit être libre.
Ne laisser pas votre esprit s’enfermer non plus dans des pensées et des émotions parasites comme la peur, la haine, le doute, la colère…Soignez votre présence, agissez à bon escient, de façon clair, réfléchi sans précipitations, et avec mesure.
7- Wazawai wa ketei ni sho zu
– La malchance provient de la négligence.
En occident, nous dirions : « L’accident n’arrive pas qu’aux autres. ». Ce précepte pourrait se traduire par un seul mot : vigilance ou zanchin ! En clair, tout acte, toute décision prise en combat peut conduire à la défaite. Vous ne devez rien négliger et construire votre combat ou non-combat avec méthode et patience pour arriver à la victoire. Ne faites rien sous le coup de la colère, ne faites rien avec précipitation… Agissez vite, mais de façon réfléchi !
8- Dojo nomi no karate to omou na
– Ne pense pas que le karaté est seulement au dojo.
Le Karaté est un art martial ou plutôt un art de défense, il entraîne le corps et l’esprit pour le rendre moins vulnérable et prêt à se défendre. Cet entraînement ne doit pas s’arrêter à la porte du Dojo. Vous devez garder à l’esprit les préceptes du Karaté dans votre vie quotidienne et chercher le perfectionnement de votre corps et votre esprit, par une hygiène de vie simple et sans excès. Soyez respectueux, tempéré, juste, vigilant, persévérant, prudent…au karaté et dans votre vie quotidienne.
9- Karate no jugyo wa issho de aru
– L’entraînement en karaté dure la vie entière.
Le karaté-dô est une voie à suivre, un chemin qui mène vers l’épanouissement du corps et de l’esprit. Le karatéka gravit les marches de la connaissance au fur et à mesure son entrainement, mais n’atteint jamais la connaissance absolue, il y a toujours plus à apprendre, à comprendre. En outre vous devez en permanence réapprendre vos bases pour consolider vos fondations afin de pouvoir y construire un karaté de plus en plus complet.
10- Arayuru mono wo karate kaseyo, soko ni myo-mi ari
– Pense toutes choses de la vie au travers du karaté, là est la subtilité cachée.
Le karaté est partout. Dans vos actes, dans vos pensées, dans vos décisions, bref, dans tout ce que vous faites agissez en Karatéka. Appliquez tous les préceptes du Karaté dans toutes vos activités de la vie quotidienne et votre vie sera plus sereine et les problèmes plus aisées à résoudre. Vous avez des difficultés, des soucis, des épreuves…Considérez tout ceci comme faisant partie de votre entrainement de Karaté, comme une marche supplémentaire vers la perfection. Vous suivez une voie, le do, ne l’oubliez jamais.
11- Karate wa yu nogotoshi taezu netsudo wo ataezareba moto no mizu ni kaeru
– Le karaté est comme l’eau bouillante, qui redevient froide si vous ne lui apportez pas continuellement de la chaleur.
Etre karatéka, obtenir des diplômes comme un ceinture noire, c’est bien, c’est beaucoup d’effort et de travail, mais ça ne suffit pas. On est Karatéka toute sa vie, à conditions de s’entrainer continuellement.
L’eau qui bout a un grand potentiel énergétique tout comme le karatéka qui atteint un certains niveau dans son art. Mais sans apport permanent de chaleur (pour l’eau) ou d’apprentissage, de recherche, d’entrainement…(pour le Karatéka), le potentiel s’évapore très rapidement au fil du temps.
Un proverbe japonais dit : « L’apprentissage par la pratique revient à pousser une charrette vers le sommet d’une colline: Cessez de pousser et tous vos efforts auront été vains. »
12- Katsu kangae wa motsu na, makenu kangae wa hitsuyo
– Ne pense pas à gagner, pense à ne surtout pas perdre.
Le Karaté est avant toute chose un art de défense qui sert à préserver l’intégrité physique et mentale du karatéka contre toute agression. L’important n’est pas de gagner face à un adversaire quel qu’il soit, mais de se préserver et donc de ne pas perdre. Ne cherchez pas la victoire mais cherchez à éviter la défaite.
Comme dans le précepte N°4 qui nous enseigne l’importance de la connaissance de soi, vous devez tourner votre esprit vers vous, apprendre à vous connaître et à vous préserver. Ne tournez pas votre esprit vers votre adversaire en cherchant à le battre.
Si l’orgueil, la vanité, l’esprit de compétition vous poussent à vouloir gagner à tout prix lors d’un combat, vous risquez fort d’être aveuglé par ces sentiments et votre esprit ne sera pas libre.
13- Teki ni yotte tenka seyo
– Change en fonction de ton adversaire.
Adapte ton karaté suivant l’adversaire qui est devant toi. Que ce soit pour un combat réel ou pour un combat au club. Le but n’étant pas de gagner, adaptez votre combat pour ne pas perdre, mais ne cherchez pas à écraser votre adversaire s’il est nettement inférieur à vous. Et si au contraire, il est nettement supérieur à vous, faites preuve de finesse et évitez si possible le combat (de toute façon c’est ce qu’il faut essayer que l’adversaire soit supérieur ou inférieur à vous). Soyez plus intelligent que lui. N’utilisez pas que la technique. Bougez différemment, s’il est grand ou petit, lent ou rapide…Vous devez garder l’esprit vigilant (zanchin) et adapter votre défense en fonction de votre adversaire et des circonstances.
14- Ikusa wa kyo-jutsu no soju ikan ni ari
– Dans le combat, la stratégie réside à distinguer les ouvertures des points invulnérables.
Ce précepte rejoint le précédent dans le sens où vous devez observer votre adversaire et adapter votre karaté à vos observations. Regarder votre adversaire dans sa globalité tout en repérant ses particularités. En karaté, il faut faire preuve de stratégie et chercher les points faibles de l’adversaire. Avant de vous lancer tête baissée dans le combat, apprenez à l’observer. Quelles sont ses réactions, comment se déplace t’il, comment respire t’il … Vous devez trouver des failles dans sa défense et vous devez les exploiter. Ne vous enfermez pas dans des carcans stéréotypés du combat avec des techniques sans vie et répétitives sans vous soucier de votre adversaire. Au contraire, soyez souple d’esprit comme de corps. Ouvrez vos yeux et votre esprit et sachez décider au bon moment lorsqu’une ouverture se présente.
15- Hito no teashi wo ken to omoe
– Penses aux bras et à jambes humaines comme à des sabres.
Avec l’entrainement, le karatéka renforce sont corps et peut l’utiliser comme arme. Les bras, les jambes, les pieds, les mains, les genoux, les coudes…sont autant d’armes possibles du corps. Vous devez exploiter vos bras et vos jambes comme s’il s’agissait d’armes réelles. Ce sont des armes qui vont vous permettre de vous défendre, ne les négligez pas, prenez en soin et entretenez les comme un samouraï entretien son sabre.
Votre adversaire est également munis de ces armes que sont les bras et les jambes, pensez y également. Même s’il combat à mains nues, considérez votre adversaire comme un homme armé qui peut vous causé de graves lésions parfois fatales. Soyez vigilant et ne sous-estimez pas le pouvoir des bras et des jambes.
16- Danshi mon wo izureba, hyakuman no teki ari
– Passé votre foyer, 1 million d’ennemis attendent.
Ce précepte pourrait se traduire par un seul mot : prudence ! Soyez toujours sur vos gardes dans tous les domaines. La vie est belle certes, mais nous ne sommes pas au pays des Bisounours, restez prudent et prêt à vous défendre en cas d’attaque quelle qu’elle soit. Ne faites pas confiance à des inconnus, mais seulement à vos proches. Restez méfiant tant que vous n’avez pas la certitude que tout danger est écarté.
17- Kamae wa shoshinsha ni ato wa shizentai
– Le novice s’astreint à la posture de garde formelle, la posture naturelle viendra plus tard.
Lorsque l’on débute le karaté, on doit s’obliger à adopter des positions, des techniques, des déplacements de bases qui souvent sont contre nature. Il faut forcer le corps et l’esprit à chasser le naturel et à travailler les bases. L’être humain est par nature paresseux, si vous ne chassez pas le naturel, vous ne progresserez pas. Prenez les postures comme vous l’enseigne votre professeur. Avec les années de pratique, le naturel du corps et de l’esprit pourra revenir et utiliser ce qui aura été appris sous la contrainte de l’apprentissage.
18- Kata wa tadashiku, jissen wa betsumono
– Le kata doit être exécuté strictement, en combat c’est une autre chose.
Ce précepte rejoint un peu le précédent. Lors de l’apprentissage, il faut chasser le naturel et s’employer à appliquer les techniques d’apprentissage tels les kata de façon formel, afin que le corps et l’esprit se forgent petit à petit aux techniques de combat. Lors d’un combat, c’est complètement différent, et c’est même l’inverse, il faut essayer de laisser le naturel libre de travailler. Et s’il est libre, votre naturel utilisera de lui-même ce que votre corps et votre esprit aura assimilé à l’entrainement.
19- Chikara no kyojaku, tai no shinshuku, waza no kankyu wo wasureru na
– N’oublie pas de moduler la puissance de la force, l’élasticité du corps et la vitesse relative des techniques.
En Karaté, votre seule force ne suffira pas, la souplesse ne suffit pas et la vitesse non plus. Vous devez apprendre à mélanger ces 3 éléments fondamentaux dans vos techniques, force, souplesse et vitesse. Prenons l’exemple très simple d’un Tsuki, l’énergie généré dans le Hara va transiter jusqu’au bras à travers le corps avec souplesse et vitesse. Votre bras doit rester détendu pour gagner en vitesse et il doit devenir très fort au moment de l’impact puis se détendre à nouveau pour libérer l’énergie dans la cible. Si le bras n’était que fort, il serait trop lent, s’il n’était que souple et détendu, il n’y aurait pas de libération d’énergie à l’impact et s’il n’était que rapide, il s’écraserait sur la cible (risque de blessure). Bref, l’art de la technique est de bien doser force, détente et vitesse avec une chronologie bien précise. Chaque muscle du corps va passer par ces phases à des stades différents de la technique. Le travail de base (Kihon, Kata) va vous permettre de perfectionner cette modulation.
20- Tsune ni shinen kufu seyo.
– Penses-y tout le temps et suivez ces préceptes au quotidien.
Ces préceptes doivent être appliqués au quotidien, au dojo comme à l’extérieur. Le Karaté est source d’épanouissement corporel et mental. C’est une recherche permanente de perfection, une lutte contre soi même en combat, mais également dans toute autre activité. En appliquant ces préceptes de respect, de défense, de justice, d’écoute de soi, de réflexion, d’esprit libre, de vigilance, de persévérance, d’écoute d’autrui, de sagesse, de prudence, de rigueur, de modération…vous deviendrez un karatéka complet et un être humain épanoui.